Lettre 2 : 32 degrés toute l’année

Lettre 2 : 32 degrés toute l’année

Je vais tenter de ne pas faire l’affront de me plaindre de me plaindre du fait que tous les jours, à Singapour, il fait chaud ; d’autant que je suis de celles -et heureusement!- qui préfère les climats chauds aux froids.

MAIS.

Débarquer dans la chaleur moite de Singapour (car oui, Singapour, c’est 32 degrés, mais aussi une hygrométrie aux alentours de 80% toute l’année) m’a fait plaisir en avril, alors qu’il neigeait encore 15 jours plus tôt à Paris. Mon corps, lui, a été un peu moins ravi : après une première semaine à être constamment épuisé, peut-être avantage à cause du climat que du décalage horaire, il lui a fallu encore près d’un mois pour être moins fatigué, et pour moins transpirer au moindre mouvement, ou au simple contact avec l’air extérieur. Il lui a également fallu s’habituer à la folie de la clim’, que l’on ne connaît pas vraiment en France. Comme lorsque je suis arrivée aux Etats-Unis, j’ai passé mes premières semaines à Singapour à me moucher, parce que je ne cessais de chopper rhume sur rhume (ce qui est toujours frustrant quand il fait 32 degrés à l’ombre).

L’adaptation n’est cependant pas parfaite : je crois que mes problèmes de rétention d’eau (hashtag, vismaviedemamie, hashtag, minutesexy) ont empiré, et ma peau a des réactions très étranges : à l’origine sèche et atypique, elle semble être devenue atypique et acnéique par phases, je ne sais pas trop bien, et toujours un peu sensible. Autant dire que je galère encore plus qu’avant avec ma routine de soin du visage…
En revanche, là où je fais preuve d’adaptabilité, c’est au niveau de mon vestiaire. Avec l’habitude, j’arrive maintenant à porter des jeans, même slim : je prévois en revanche mes tenues en fonctions de distances que je compte parcourir en extérieur au cours de la journée afin d’éviter cette sensation désagréable qu’on va se liquéfier sur place. Autre option, viser les jours où il fait plus frais pour sortir les vêtements près du corps.

Car oui, avec l’habitude et l’entraînement, on arrive à ressentir les différences de température, et on finit même par trouver qu’il ferait presque froid, quand le mercure tombe à 26. Je n’ai pas encore assisté à ça, mais apparemment, en dessous de 25, les Singapouriens sortent les petites doudounes. Comme quoi il y a un intérêt à vendre des vêtements d’hiver à Singapour, les grandes chaînes type Zara et H&M n’adaptant pas tellement leurs collections d’un pays à l’autre…

Autre intérêt de cette mode uniformisée : signaler le temps qui passe.
En l’absence de saison, on se croît au mois d’août toute l’année. C’est psychologiquement assez perturbant d’ailleurs, on a l’impression que le temps ne s’écoule plus, et des événements futurs, même proches, semblent toujours lointains. Qu’Halloween soit dans 2 semaines me paraît impensable (et ce malgré le fait que mon ColdStorage préféré se soit paré de ses plus belles couleurs citrouille et noir, et de fausses toiles d’araignée). C’est finalement grâce à Zara que j’ai réalisé que le mois de septembre était déjà passé, qu’on était début octobre et qu’en France, c’était maintenant l’automne, lorsqu’en me promenant dans les rayons, je suis tombée sur des gros pulls d’hiver et des manteaux longs en laine. Une fois dissipée la surprise et l’incompréhension, j’ai réalisé qu’on était le 7 octobre (NB : si vous vérifiez sur un calendrier, c’est un dimanche ;  tous les magasins sont ouverts le dimanche à Singapour). Merci la mode uniforme transnationale.

plage Singapour Lazarus

Lazarus Island, Singapour.
Un temps de juin, bien gris bien lourd.

Le fait qu’il ait plu tous les jours durant la 2ème semaine d’octobre m’a permis d’intégrer pleinement le fait que l’été était fini.
Car, non, il ne fait pas toujours beau à Singapour, et oui, il y’a finalement bien des saisons. Elles sont différentes des nôtres -et de celles de la plus part des pays d’Asie du Sud-Est, qui ont un été, un hiver et, entre les deux, une saison des pluies. A Singapour, les saisons de mousson alternent avec les saisons d’inter-mousson (où il ne fait en fait pas sec, au contraire, c’est là que les tempêtes sont les plus fortes je trouve ! mais c’est peut-être l’effet du changement climatique ?), aboutissant à séquencer l’année suivant quatre temps.
De décembre à mars, c’est la période des “moussons du nord-est”, de fin mars à mai, la première période d’inter-mousson, marquée par de violents orages (ce n’est pas un lieu commun que de dire que le ciel semble se fendre en deux à chaque coup de tonnerre..) et des pluies souvent diluviennes, qui peuvent durer des après-midi entières, et cessent parfois, avant de reprendre et détremper les promeneurs imprudents, sortis sans l’équipement. Le parapluie, en effet, ne suffit pas, voire ne sert à rien, en raison de la force des vents. La cape de pluie est plus efficace, et surtout, les tongs sont de mise pour éviter de massacrer ses chaussures. Mieux encore : les bottes de pluie, car la chaussée se retrouvant rapidement inondée, les tongs peuvent être dangereuses (pour l’anecdote, j’ai failli passer sous un bus en faisant de l’aqua-planning avec mes tongs..). Etant arrivée en avril, c’était donc dans ces excellentes conditions climatiques que j’ai du enchaîner les visites d’appartement… De juin à septembre, il a globalement fait très beau. C’est pourtant la période de mousson “du sud-est”. Mes nouveaux collègues, arrivés début septembre, se plaignaient du fait qu’il pleuvait souvent, mais les pluies de cette saison me semblent moins fréquentes et moins violentes que celles de l’inter-mousson. Et pour les deux mois à venir, nous voici repartis pour l’inter-mousson. Mais désormais prévenue, j’ai toujours avec moi une paire de tongs. Voire mieux, mes bottines de pluie, quand j’ai un grand sac.

Et aussi étrange que cela puisse paraître, le retour de la pluie m’a fait plaisir.
Le mauvais temps légitimait mes envies de paresser chez moi, avec mes livres et ma tasse de thé le weekend. J’avais presque envie de me draper dans un plaid -même si la température ne s’y prêtait quand même pas. Encore qu’en poussant la clim à fond, pourquoi pas, c’est d’ailleurs comme ça que les Français font pour survivre lors de leurs soirées raclettes.
Prochaine étape, les soupes au potiron et velouté carottes-cumin ?

Dehors, les arbres sont toujours verts, la pluie a lavé le ciel, et il fait à nouveau 32 degrés. La soupe sera pour une autre fois. Les dimanches pluvieux, passés à bouquiner, vont presque finir par me manquer, et sur Instagram, les photos d’érables, chênes et autres arbres des contrées tempérées, rouge et or, me font rêver. Et je me dis que je n’imagine pas à quoi peut ressembler une enfance où l’on ne ramasse pas de châtaignes, où l’on de foule pas les tapis de feuilles, et où on n’attend pas la venue des premiers flocons à peine les arbres dénudés.

P.

 



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